jeudi 5 juillet 2007

La 9ème c'était l'année dernière ! -3-

Extrait de la [Revue CHORUS] n° 57 - 2006

Une petite station balnéaire des Landes devient, à la fin de chaque mois de juillet, le poste avancé de la belle chanson francophone d'Amérique du Nord, bien trop réduite ici à des voix qui portent. Celles qui se donnent à Capbreton ont toutes les nuances de la belle ouvrage.

par Yannick Delneste

La chanson acadienne en question

C'est un petit garçon, sur la plage de Capbreton... Il revient de la plage. Ce 27 juillet, la canicule irradie le littoral landais... Le petit baigneur va se chercher une glace, mais il s'arrête devant le podium aux couleurs de France Bleu Gascogne. Sur scène, les gros mots bien troussés de Guy-Philippe Wells le font pouffer. Ses parents sont sur le sable, il peut en profiter. « Quand même, il a un drôle d'accent », souffle-t-il, intrigué.

Ce genre d'échappée belle, Les Déferlantes en recèlent des valises, des bidons, des caisses entières. Depuis neuf ans, le vent qui souffle chaque été sur cette commune des Landes - peu disposée a priori à recevoir la fine fleur de la chanson acadienne ou québécoise - rend visiblement gaillard.

Capbreton n'est pas jumelé avec le Cap Breton de Nouvelle-Ecosse. Depuis neuf ans, c'est un Gersois voisin qui dispute à Eole le marché de l'air frais sur le littoral. Maurice Segall, le créateur et toujours directeur de ce « petit » festival (154 000 euros, 7000 spectateurs cette année), cultive l'esprit que l'on peut retrouver à Alors... chante ! de Montauban, où les artistes viennent se produire mais aussi passer quelques jours à rencontrer et découvrir des collègues.

Pour nombre d'artistes à l'affiche, cette année, à Capbreton, il s'agissait de la première prestation sur le continent-matrice. C'est aussi le rôle de ces Déferlantes. « On a voulu montrer au départ l'autre visage de la chanson francophone d'Amérique du Nord, résume Maurice Segall. Et l'on constate, depuis deux ans environ, l'émergence de jeunes talents à la qualité d'écriture, à l'invention tout à fait remarquables. » Cette 9e édition en a montré les contours.

Pour la première fois, le festival enrichissait ses soirées d'un premier rendez-vous, en fin d'après-midi, quasiment sur la plage. Serait-ce céder à la mode que d'organiser à son tour, un concours de découvertes ? Non, c'est utile, le plus souvent. Celui de Capbreton, premier du genre, a d'abord souffert d'une mise en scène particulièrement pénible, la prestation des jeunes artistes (deux par session sur trois jours) étant en effet parasitée par les interventions fâcheuses de l'animateur radio, mais on résista.


LA RÉVÉLATION ROBITAILLE

Venue de sa Gaspésie pour ses premiers pas en France, Viviane Audet séduisait par ses chroniques sentimentales acidulées, mais ne s'affranchissait pas assez pour vraiment étonner. L'univers de Guy-Philippe Wells, équilibrant jeux de mots potaches et vraie sensibilité, s'imposait davantage malgré un concert emprunté. Rayon écriture solide et timbres étranges, Joseph Edgar et Suzanne Léger ont été remarqués, mais on attendait encore l'éventuelle révélation. Annoncée par le bouche à oreille des connaisseurs et des passionnés (et il y en a sur les Déferlantes, qui font des centaines de kilomètres pour venir !), elle eut lieu le vendredi, en cinq chansons.

Damien Robitaille, on l'avait déjà entendu la veille, pointant son nez, ses cordes et son bégaiement factice dans l'intense happening artistique proposé par le festival, mêlant les mots du poète Marc Lemyre, le blues râpeux de Marcel Aymar et le doigté prodigieux du guitariste Réjean Bouchard. Mais sur la scène découvertes du podium balnéaire, il a non seulement mouché l'animateur, mais emballé le public en quelques minutes de ses chansons ne ressemblant à rien, mais avec tout dedans. Il fait de la fausse approximation un art, du contre-pied un sacerdoce. Epatant et à suivre. A tel point qu'aucun concert de la grande scène du soir n'a provoqué le même enthousiasme. Pas surprenant, car Robitaille va rapidement devenir grand.




DUO DE DONZELLES

Les nuits ont évidemment réservé de jolis et beaux moments. On retiendra la joyeuse bande de Mes aïeux, sorte de Big Bazar aux chansons folk-rock-trad, alliant avec entrain attachement aux racines et ouverture au monde et aux joies qu'ils procurent. De l'Ariégeoise solaire à l'Alsacien tourbillonnant, difficile de rester assis... Dans le même registre des empêcheurs salutaires de buller en rond, les Dobacaracol ont démontré qu'elles étaient bien à la hauteur de l'éclairage médiatique dont elles bénéficient en ce moment. Des textes bien écrits sur des rythmes d'Afrique et de Jamaïque : notre duo de donzelles et leurs quatre musiciens ont mis le feu à la dernière soirée.
Suivi de près depuis 2003, Fayo (et son blues-rock) montait pour la première fois sur la grande scène, et réussissait l'examen. La violoniste Dominique Dupuis et son tourbillon celte aussi. Mais Yann Perreau au rock pas très inspiré, la grande Marie-Jo Thério et son concert distendu, mal construit et mal écrit, ont déçu.

Les seuls invités du coin (de France, mais du trio deux d'entre eux sont de Capbreton !) ont été à la hauteur de l'attente : les Chanson Plus Bifluorée ont logiquement cartonné. L'an prochain, cela déferlera à Capbreton pour la dixième année consécutive. Nous y serons, cheveux au vent, et oreilles en alerte.


Yannick Delneste






Extrait de la [Revue CHORUS] n° 57 - 2006


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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Yannik est fid�le � ce qu'il dit et �crit, il sera � nouveau l� cette ann�e... Et c'est dr�lement bien...