mardi 24 juillet 2007

Ce qui s'est passé...

Article de Fleur de La Haye extrait du site [RFI Musique]


10 ans de Déferlantes Francophones
La nouvelle vague canadienne

Capbreton
23/07/2007 -
Festival fort en saveur, les Déferlantes célèbrent chaque année à Capbreton, les accents francophones d’Amérique du Nord. Qu’ils soient acadiens, cajuns, ontariens ou québécois. La dixième édition - qui se déroulait du 18 au 21 juillet dernier - n’a pas échappé à la règle, avec une belle brochette d’artistes venus de tout le Canada : Dominique Dupuis, Pierre Lapointe, Plume Latraverse, Vishten… Mais aussi des têtes et des voix moins connues, qu’il fut bon de découvrir et d’entendre ! Sélection.

Damien Robitaille, Anique Granger, Geneviève Toupin, Alexandra Hernandez, Pierre-André Côté, Karkwa… En Europe, leurs noms sont inconnus au bataillon. Et pourtant, au Canada, ils montent, ils montent, ces auteurs compositeurs. On entend parler d’eux sur Radio Canada. On lit dans les journaux des comptes-rendus de leurs concerts et des chroniques de leurs albums (pour ceux qui en ont) et leurs patronymes circulent sur les campus de Montréal (Québec), d’Ottawa (Ontario) ou de Moncton (Nouveau-Brunswick).
Pour ne pas laisser le public français dans l’ignorance, le directeur des Déferlantes Francophones a eu la bonne idée d’inviter pendant quatre jours (du 18 au 21 juillet) ces anonymes de la musique canadienne, à un tour de chant en bord de mer. "Je n’ai pas créé ce festival juste pour le plaisir ! Il doit aussi servir à faire connaître de nouveaux talents, à les mettre en contact avec des médias, des programmateurs de salles et avec d’autres artistes avec lesquels collaborer", explique Maurice Segall. Ainsi, le 18 juillet dernier, ces "talents" ont débarqué dans la bourgade balnéaire de Capbreton. Guitares et saxo sur le dos pour les uns, harmonica dans la poche pour les autres... Un peu secoués par le décalage horaire, ils ont eu quelques instants de répit avant de monter sur scène. Le temps de piquer une tête dans l’Atlantique, de sillonner la ville en vélo, de faire une sieste ou de siroter un verre en terrasse.




L’insaisissable Damien Robitaille
Puis, très vite, tout s’est enchaîné. Surtout pour l’Ontarien Damien Robitaille, chargé d’ouvrir le bal des Déferlantes. Celles-ci se déroulant pour la première fois en plein air (devant un public plus fourni que les années passées), il y avait de quoi avoir des frissons… Mais Damien Robitaille, vainqueur des Francouvertes 2005, s’en est tiré comme un chef. Blaguant, sifflant, jouant avec la foule comme s’il l’avait toujours côtoyée. Sa voix en a surpris plus d’un : teintée d’un accent qui semble n’appartenir qu’à lui, elle rebondit sur les mots d’une façon quasi-élastique… Etrange ! On se prend alors à essayer de décoder les drôles de textes de ce trentenaire, né d’un père francophone et d’une mère anglophone. Sur Mètres de mon être, il philosophe sur son existence "toujours en croissance" et sur Sexy Séparatiste, il mêle amour et politique : "Sexy Séparatiste, ton sexe est une fleur de lys/ Cet élan me plaît quand tu m’embrasses en français".
Tantôt pianiste ou guitariste, le chanteur ne s’embarrasse pas d’une musique compliquée pour s’accompagner : elle épouse folk, rock et jazz de temps en temps. S’énervant par endroits pour coller à des refrains qui, souvent, vous restent plantés dans la tête tant ils sont simples : "Je suis le porc-é-porc-é-porc-é-porc-épic/ Une bête ben sympa-sympa-sympathique" (Porc-épic). Les mimiques et les transitions burlesques ajoutent au spectacle, provoquant pas mal de fous rires dans l’auditoire. Aussi loufoque que ses chansons, aussi naïf qu’intelligent et poète, Damien Robitaille est un être insaisissable… Que beaucoup, en ce soir d’ouverture de festival, ont trouvé irrésistible.




Le goût du folk
Le lendemain, autre ambiance, autre scène. Dos à la mer, sur une estrade montée devant le casino de Capbreton, c’est Anique Granger (ex-Polly Esther) qui prend le micro. Native de la province de la Saskatchewan (située dans l’Ouest du Canada), elle écrit en anglais et en français. Désormais installée à Montréal, elle vient d’auto-produire des maxis dans les deux langues. Cet après-midi là, elle opte pour la langue de Molière pour honorer son public : des érudits de la chanson francophone, des touristes en tongs et des enfants aux joues barbouillées de glace au chocolat ! Sans attendre, la jeune femme embrasse sa guitare : jeu musclé, belles mélodies, un timbre qui surfe entre le grave et les aigus un peu à la façon d’Alanis Morissette… Anique Granger capte l’attention. "Au début, j’étais très maladroite sur scène. Maintenant ça va bien mieux, j’aime ça jaser avec la public et lui raconter des histoires", dit-elle. Seule sur les planches, elle s’octroie au bout de quelques chansons les services d’une pédale enregistreuse pour créer son accompagnement : bruits de bouche, riffs de guitare ou claquement de doigts viennent enrichir son set. Pas de doute, cette brindille-là, toute en sensualité et guitariste dans l’âme, a le goût du folk et du swing !
Geneviève Toupin, l’artiste qui la remplace bientôt sur scène, en sait quelque chose : Anique est sa guitariste ! Jolie brune aux cheveux longs, Geneviève s’installe derrière son piano, son instrument de prédilection. Ses chansons parlent d’envie de changement, d’amour, d’amitié et de Saint-Claude, le petit village où elle a grandi dans le Manitoba. "Il a été fondé par les Français. Aujourd’hui, même s’il y a beaucoup d’organismes qui défendent la communauté francophone, les anglophones sont bien plus nombreux", raconte-t-elle plus tard en coulisses. Pas toujours facile dans ces conditions de trouver un public qui goûte les chansons en français... D’où le mouvement de nombreux artistes francophones du Canada vers le Québec.
Le chanteur Pierre-André Côté, lui, n’a pas eu à changer de province avant de s’établir à Montréal : il vient de la région du lac Saint-Jean, au Québec. Il avait aussi fait le voyage à Capbreton pour chanter et tester son aura auprès du public français. Egalement danseur et comédien, il écrit des chansons quand ça lui prend et les chante de même. Seul avec sa guitare et son harmonica, chapeau vissé sur la tête, il a joué le troisième jour du festival. Textes espiègles ("Si tout le monde me donne ses pt’ites scènes noires/ Je serais millionnaire"), présence incroyable… L’ombre de Bob Dylan n’était pas loin. L’accent québécois et l’humour génial de Pierre-André Côté en plus. Fan de la série américaine Six Feet Under (l’histoire d’une famille de croque-morts), le chantre ne peut s’empêcher d’évoquer dans ses chansons la mort, la solitude, l’amertume… Teintant le tout d’une pincée de drôlerie. C’est sa recette. Elle a suscité ce jour-là bien des émotions parmi les festivaliers, tiraillés entre rire et chair de poule. Mais aussi bluffés d’avoir fait autant de belles découvertes en si peu de jours.
Damien Robitaille L’homme qui me ressemble (Audiogram) 2006
Fleur De la Haye

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