mardi 31 juillet 2007

Article de fleur de la Haye extrait du site [RFI Musique]

Le retour de Plume

Latraverse, l’indomptable chansonnier

Capbreton - 01/08/2007 -

Trombine phare de la contre-culture québécoise des années 1970, Plume Latraverse revient en piste. En tournée au Québec tout l’été, il a fait, fin juillet, une brève escale aux Déferlantes Francophones de Capbreton, dans le sud-ouest de la France. L’occasion pour RFI Musique de se frotter à ce monstre sacré, qui mitonne un nouvel album pour l’automne.


Depuis quelques temps, les amoureux de Plume se demandaient où il était passé. Pas de spectacles depuis un bail, pas de nouvel album depuis Chants d’épuration (sorti en 2003) et aucune apparition médiatique… Où donc Plume Latraverse se cachait-il ? Dans son chalet des Laurentides (une magnifique région du Québec) ? Dans son appartement montréalais ? Derrière sa barbe rousse et poivre et sel ? Un peu des trois, à vrai dire : "J’ai fais une pause de plusieurs mois. Je me suis remis à l’écriture, à la peinture… Ça m’a pris comme une rage de dents et, maintenant, je sors du bois !", explique Plume entre deux gorgées de bière, sirotées sur la terrasse ombragée d’un restaurant de Capbreton.

Le chantre le plus populaire du Québec n’avait pas mis les pieds en France depuis dix ans. Le pays a-t-il changé comparé à celui qu’il a connu durant ses "années françaises", quand il tournait dans l’Hexagone de François Mitterrand, semaine après semaine ? "Oh oui ! J’ai fait connaissance avec les euros !", plaisante-t-il. Roulant le "r" avec son accent légendaire… du moins aux tympans des Français. "L’accent n’est pas dans la gorge des uns, mais dans l’oreille des autres", aime-t-il répéter. L’ogre Plume (il mesure plus d’1 m 90 et, franchement, il en impose!), est ainsi : un habile tricoteur de mots. Toujours prêt à dégainer une formule pour détruire préjugés et clichés. En chanson ou en discussion, sa verve fait mouche. Qu’il conte une histoire d’amour comme sur Les Patineuses : "Moi, j'patinais sur la bottine, était-ce elle qui m'éblouissait? / Était-ce le décor qui glissait? J'avais les jambes en gélatine / Je n'en croyais pas mes rétines / Et j'en perdais tout mon français". Ou bien qu’il devise sur la musique et la télé : "La variété, cette viande avariée", "La télévision, cette boîte à cons"


62 ans et plus de trente ans de carrière n’ont fatigué ni son énergie, ni son humour ! Pourtant, Plume Latraverse (de son vrai nom Michel Latraverse), en a traversé des âges et des époques. "J’ai connu les bars à chansonniers, les vinyls, les cassettes et maintenant le mp3 et les jeunes générations qui naissent avec un cellulaire dans la main et une télé dans la tête." Jeune, Michel Latraverse était, lui, plutôt du genre scotché à sa guitare. Au cours des sixties, il la trimballe un peu partout. Dans les mariages et les baptêmes, où il joue avec tout un orchestre des reprises anglo-saxonnes. Chaque été, il roule avec son instrument vers Percé, une ville de Gaspésie qui attire toute la bohème québécoise. Le Centre d’art et la Maison du pêcheur sont investis pour des spectacles étourdissants et bruyants, qui se terminent au petit matin. Ils donnent lieu à de nombreuses querelles générationnelles avec les habitants, qui finissent par demander l’expulsion des joyeux lurons. "J’ai rué dans les brancards avec raison étant jeune. C’était justifié : on était vraiment brimés par la religion au Québec", rappelle Plume. De retour à Montréal cette année-là, il créé d’ailleurs un groupe qui se produira quelques années sous le nom clin d’œil de La Sainte-Trinité…

Le provocateur en solo

En 1972, Plume démarre sa carrière solo. Continuant à écrire des textes plus provocants les uns que les autres : "Toutes les menteries qu'j'ai appris à réciter quand j'étais p'tit / Pis les leçons de bienséance qui sont v'nues fucker mon enfance / Me sont très utiles aujourd'hui pour faire caca pis faire pipi / On m'a fait manger du papier pour que j'puisse chier tout enveloppé" (Bienséance). "En fait, je suis devenu chanteur parce que personne d’autre ne voulait et ne pouvait chanter ce que j’écrivais !", résume Plume. Sous-sols d’église, boîtes à chansons, puis scènes plus officielles comme l’Olympia à Paris dans les années 1980… L’auteur compositeur - devenu chanteur - donne des shows toujours plus endiablés, qui se colorent de rock, de folk, de blues, voire de swing à la sauce Django Reinhardt. Hyper prolifique, Plume a sorti plus d’une trentaine de disques. Tous n’ont pas traversé l’Atlantique : "A la Fnac, vous pourrez en trouver certains au rayon 'Chanson ethnique pour enfants'", blague l’énergumène.


Plume a beau se moquer de lui, il reste LA figure de la contestation culturelle au Québec. Un poète-chansonnier de référence. Une sorte de Brassens en plus trash et en joual (l’argot québécois). Si bien qu’un tas de fables circulent sur lui : il serait né dans un saloon, sa mère serait Américaine. Ado, il aurait perpétré un hold-up dans un supermarché avec un pistolet à eau et aurait été, ensuite, professeur… La vérité ? "Je suis un menteur ! Comme disait Trenet : 'seuls les poètes sont sincères, surtout quand ils mentent'." Une pirouette de plus pour cultiver le mystère… Sûr en tout cas que Plume est bien peintre (il a réalisé une vingtaine d’huiles en 2006). Il est aussi romancier et, surtout, toujours bête de scène. Le 21 juillet dernier, il l’a prouvé aux Déferlantes de Capbreton : mouillant la chemise, grattant la guitare avec agilité, chantant d’une voix forte et belle et engueulant les bavards !

Entouré d’un pianiste et d’un bassiste, il a chanté nouvelles et anciennes chansons (El Niño Jonquière, Quel Calvaire). Faisant pouffer le public avec sa chanson Concaves, interprétée sur un air de tango : "Les cons sont les très proches parents des caves / Si c'n'est qu'les caves ont la tête un peu plus concave". Un régal de concert : drôle, irrévérencieux, malin, différent et subtilement orchestré… "J’ai voulu remettre mes textes en avant, en choisissant une instrumentation simple. Pour cesser de donner au public cette image de Raspoutine, ce poster du mec aux cheveux hirsutes qui boit de la bière et qui rote", confie Plume. Car derrière cette trogne d’homme des cavernes, il y a une plume qui écrit. Un esprit ultra-cultivé, doux. Un timide qui se cache derrière sa chope de bière et sa dégaine de "j'm’enfoutiste". Bref, un style à part dans la chanson francophone. En septembre, Plume s’enfermera en studio pour enregistrer un album déjà baptisé Hors-Saisons. Une quinzaine de nouvelles chansons mises en boîte en trois jours. Pas plus : "C’est ridicule de faire dans la dentelle à une époque où tout se pirate".

Fleur De la Haye

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Décidément, Fleur comprend tout et écrit bien !

La Pieuvre a dit…

C'est l'effet "immersion continue" de Capbreton. Rien ne vaut de vivre avec pour comprendre un peu...

Anonyme a dit…

J'aime bien cet notion d'immersion continue... C'est exactement ça... A ne pas oublier pour la 11ème...

La Pieuvre a dit…

C'est justement un truc qu'il ne faudrait pas zoublier...

Anonyme a dit…

Sommes bien d'accord, z'en somme !